Au cours des neuf derniers jours, je n'aurai passé que deux nuits chez moi. Le reste du temps, j'ai couru le pays. J'y ai trouvé pire que ce que je croyais. Misère et résignation sont partout répandues jusque dans les catégories sociales qu'on croyait les moins exposées jusque-là. Il y a parfois même davantage de détresse dans les copropriétés que dans certains HLM. Je ne sais comment tout cela tournera. Je vois bien quelle colère froide pousse à l'abstention. Et je vois bien aussi combien celle-ci ferait l'affaire du système. Car le plus probable est que ceux qui veulent se déplacer le fassent pour y exprimer une opinion forte qui rende compte de la détresse morale et matérielle subie par l'immense majorité de notre peuple. Les puissants et les importants, surtout ceux qui sont déjà en place, aimeraient croire que les gens se déplaceront pour leur prouver de l'affection. Mais ils ont aussi terriblement peur du contraire ! Ils ont raison. Ça branle dans le manche.
Comme je dois boucler ce post pour qu'il puisse être installé avant l'interdiction de publier quoi que ce soit de nouveau, j'ai décidé de m'en tenir à une seule et unique protestation. Celle que je veux formuler contre la maltraitance médiatique, le mépris et l'étouffement auquel nous avons été condamné tout au long de cette prétendue « campagne municipale ». Je dis « prétendue » parce que j'ai observé dans tout le pays à quel point nous étions seuls à mettre en scène des débats qui certes portaient sur des questions locales, mais les incluaient toutes dans une dimension générale et un point de vue politique large. Les satrapes solfériniens sortant se sont contentés d'éviter la contradiction, de refuser les débats, d'esquiver toute mise en cause d'un lien entre le programme qu'ils ont présenté et les restrictions budgétaires de dotations financières de l'État, qu'ils connaissent parfaitement bien et dont ils n'ont soufflé mot. Pendant des mois, nous n'avons eu droit sur la scène médiatique qu'à la présentation de matchs entre les personnes, et, de façon bien plus irresponsable, à la présentation sensationnaliste de la percée annoncée du Front national, promue, espérée, on ne sait plus, par la sphère médiatique fonctionnant en boucle. Selon les règles du panurgisme qui a déjà fait tant de mal à la crédibilité de la profession audiovisuelle autant qu'écrite. Ici, je pointe, à partir des statistiques données par le CSA lui-même, l'étendue des dégâts aussi bien pour ce qui est de notre étouffement qu'en ce qui concerne la promotion systématique du lepénisme municipal. Mis en cause par le journal « Le Monde » parce que j'ai pointé sa contribution militante au lepénisme médiatique, je me dois de préciser, chiffres à l'appui, mon propos. À mes yeux, « Le Monde » est le vaisseau amiral du lepénisme médiatique. C'est ce journal qui a mis en scène le thème de la dédiabolisation de Marine Le Pen, qui l’a accompagné par une iconographie flatteuse, et l'a prolongé par une insistance à « traiter le sujet » qui a toutes les allures d'une tentative de prophétie auto-réalisatrice.
Dans cette longue bataille, nous avons atteint notre premier objectif : présenter des listes autonomes du Parti socialiste dans un maximum de communes. Au total, nous faisons légèrement mieux que le Front national si l'on croit les chiffres annoncés par le journal « Le Monde ». Nous avons atteint notre second objectif : réaliser un maximum d'accords « d'opposition de gauche » avec Europe écologie-les Verts. Cela n'apparaîtra pas dans les statistiques, car ces listes seront classées tantôt « divers gauche » tantôt attribuées aux seuls Verts ou au seul PG selon les nomenclatures du bidouilleur Manuel Valls. Dans de nombreuses communes, nous nous trouvons unis au NPA. De la sorte, parfois, nous sommes tous ensemble : le Front de Gauche uni, Europe écologie-les Verts et le NPA ! Notre échec est bien connu : les sections locales du PCF ont quitté le Front de Gauche dans la moitié des villes de 20 000 habitants pour se placer sous direction socialiste. Cela rend notre campagne nationale et les objectifs atteints illisibles. Partout, c'est cette « division » qui a retenu l'attention des commentateurs médiatiques locaux. Au niveau national, elle a permis à Manuel Valls de ne placer en liste « Front de Gauche » que celles qui auront reçu l'investiture conjointe du PCF et du PG. Nous serons donc mécaniquement réduits de plus de moitié dans le résultat. Pour autant, un magnifique et gigantesque effort a été accompli, des équipes locales se sont constituées et enracinées et, si ici et là la détestation mutuelle a pu faire d'incroyables dégâts, je reste sur l'impression que, partout ailleurs, non seulement la fraternité a augmenté, mais que de nouvelles solidarités très profondes se sont créées entre ceux qui se sont découverts dans cette circonstance. À tous, j'adresse un amical et respectueux salut. Nous ne nous sommes pas ménagés. La tâche était rude. Peu importent les clameurs, les lazzis et les mépris dont ont cru nous accabler les puissants qui croient encore tenir la situation en main. « Un, deux, trois. Soleil ! ». Comme dans ce jeu si éducatif, sans que les importants aient vu, sans qu'ils veuillent le voir, nous avons avancé, tellement avancé !
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